(…) La photographie qui l’intéresse est celle de paysages architecturaux, de volumes recréés par des plans obliques, verticaux et horizontaux, de jeux de lumières sur les reliefs
comme des pans et des masses de diverses formes ; tailles et aspects suggèrent par rémanence une composition in situ.
Échelles et distances, proximités ou lointains, espaces et corps au départ allusifs deviennent presque physiques par la force des codes de compréhension. Les deux dimensions du subjectile même impliquent un objet esthétiquement recherché qui, toutes choses égales, fait que l’expression plastique de et par la photographie peut incarner par métonymie une conception sculpturale.
Nous échangeons sur ce que représentent des vues où on décode que des ensembles d’habitations identiques regroupées en blocs fantômes, en pyramides faussement aztèques, sont en partie là pour d’indicibles ou d’incomplets objectifs urbanistiques, murs et villes aux destinées bizarres, parfois inavouables, bâtisses se percevant comme oniriques à force d’être inexpliquées ou indescriptibles… Images égrenant ou témoignant de forteresses plus ou moins volontaires, élaborées dans des modules géométriques basiques et arbitraires, ou le semblable règne sans discernement, sans âme…
Elle cite Paul Virilio, architecte et esthéticien qui s’est beaucoup intéressé aux bunkers… Sans nier ce dont les vues témoignent historiquement, Sarah Feuillas observe pour sa part des scénarios de formes et de configurations visuelles, remarque des écarts avérés ou supposés entre les choses, note des horizons ouverts ou bouchés, « des espaces sous pression ». Elle sait que la nature plate et apparemment neutre de la photographie tranche avec le réel saisi par l’image, qu’après celui des volumes décrits, cette dernière témoigne en sus d’autres natures, notamment celle du temps : durée, présent, pause, moment, époque, palpabilité…
« J’utilise la photo pour la perspective dans l’image et l’espace où se trouve l’image » tient-elle à préciser.
Immédiatement se confirme qu’elle pense plus qu’en deux ou trois dimensions…plus surement quatre. Subtilement s’immisce son histoire métaphysique du temps, dans les
interstices où l’aura de l’image, telle que définie par Walter Benjamin, fait date. (…)