Présentée au 6b, elle joue en premier lieu avec l’architecture de cet ancien bâtiment industriel, aujourd’hui dédié à la création et aux expérimentations collaboratives, reposant notamment sur le partage de ses espaces. Elle réunit douze artistes aux démarches fondées sur le rapport à l’architecture et à la mémoire dont elle est porteuse, celle de l’histoire d’un édifice, d’un site ou d’un territoire, façonnée par ses usages comme par ses usagers. Leurs pratiques s’étendent de la peinture à la vidéo, du dessin à l’installation, de la performance au son et de la danse à la photographie.
Le riverain, le flâneur, le visiteur ou le résident du lieu perçoivent le 6b comme un vaste parallélépipède rectangle aux larges baies vitrées, ainsi littéralement ouvert sur le dehors : la route et l’eau, la ville et la nature urbaine. Son architecture est caractérisée par une ossature de béton permettant de changer indéfiniment cloisonnements et agencements intérieurs, sans pour autant modifier son apparence extérieure. Ce sont donc avec ces espaces modulaires, modulables et empreints de la mémoire du lieu, dans ses grandes lignes comme dans d’infimes détails, tantôt détonants, tantôt poétiques, que dialoguent les œuvres. Aussi l’exposition est-elle une invitation à découvrir des formes mémorielles de l’architecture.
De nombreuses pièces présentées valorisent les axes, verticaux et horizontaux, mais aussi les obliques, c’est-à- dire des plans. Ces axes soulignant les arêtes structurelles et les dimensions du lieu qui les accueille, ou s’opposant au contraire à ses caractéristiques architecturales. L’ancrage des pièces dans un référentiel spatial, voire temporel et mémoriel, invite à une expérimentation physique de l’espace et des liens qui s’y tissent entre les œuvres.
En 2 ou 3D, des perspectives se dessinent entre vues axonométriques, compositions matricielles et profils de modénatures ou d’éléments architectoniques – parfois très bruts ou dans un traitement des surfaces qui confère une certaine picturalité aux volumes. Plusieurs œuvres témoignent d’une fascination singulière pour des architectures, patrimoniales ou quelconques, observées de façon systématique ou saisies suivant les modalités d’une forme d’errance urbaine et périurbaine. Pour leurs auteurs, il s’agit de se souvenir, garder trace d’un éclat, de ce que l’on voit derrière les vitres et les façades, des ruines, de l’éclatement de formes dans l’espace. D’autres pièces affirment le rapport entre architecture et dynamique en s’appuyant sur une recherche d’équilibre, stable comme instable, à petite ou grande échelle. Et certaines enjoignent à prendre la mesure d’un espace, d’une épaisseur (une cloison, une mouluration) ou d’un angle, que ce soit à l’aide d’instruments spécifiques, réels ou redessinés, ou plus directement à l’aune de son propre corps. Parcourant la galerie au rythme de son pas parmi celui des autres, chacun perçoit, selon ses intimes sensations, différentes acceptions des notions d’élancement, d’espacement, d’écart, d’entre-deux ou d’énigme, qui sont pour partie à l’origine du travail des artistes ici rassemblés.
L’exposition Mémoire d’architecture entend ainsi donner à voir, arpenter et même écouter, les bouleversements de l’architecture par le biais, souvent sinueux, des méandres de la mémoire, individuelle autant que collective.